![]() | |
La Maison Fond, Leandro Erlich |
Cette semaine, Anne
Hidalgo et Ian Brossat lancent en fanfare un nouveau programme de
subventionnement des bailleurs privés : Multiloc, en
partenariat avec les agences immobilières, permettra à des
propriétaires louant leur bien (seulement) 20 % en dessous des
prix du marché, de bénéficier d'aides pour l'embellissement du
logement, d'une garantie loyers impayés et d'autres avantages.
Depuis le début de la
mandature, Anne Hidalgo affiche son intention de faire de l'accès au
logement des Parisiens la première des priorités . Or, à
Paris pour le moment, les besoins criants et urgents sont ceux de
logements sociaux à loyer modestes : 75 % des 150 000
demandeurs inscrits ne peuvent accéder qu'à un PLA-I.
Et dans ce domaine, la Ville en fait décidément le moins possible
Les « nouveaux »
logements sociaux, inaccessibles pour les Parisiens modestes
La construction de ce type de
logements très sociaux , qui représentent moins de 10 % du parc social actuel
n'est absolument pas la priorité : en 2014, Paris Habitat OPH
n'en a produit que 125 ( source rapport activité en ligne) , alors que dans le même temps, le premier
bailleur de la Ville produisait quasiment le double de logements
sociaux intermédiaires (206 unités) . Le second bailleur de la Ville, la
RIVP n'a mis en chantier que 18 % de logements PLA-I cette année ( source)
, bien loin des 30 % promis par la Ville. Chez ce bailleur ,
l'immense majorité des « nouveaux » logements très
sociaux ne sont pas des constructions neuves, mais de l'achat
d'appartements anciens, très souvent occupés : le foncier
disponible est quant à lui utilisé pour construire de l'hébergement précaire,
foyers et résidences sociales.
La promesse de « 7000 Logements
Sociaux » par an n'est donc tenue que sur le papier : sur
le terrain, très peu de ces logements sont accessibles aux
catégories modestes de la population. Il suffit de consulter Loc'Annonces pour en avoir la preuve : la quasi totalité des logements
« sociaux » neufs proposés sont du PLS.
Le recours à l'ULS
et aux logements sociaux précaires .
L'Usufruit Locatif Social est un
montage immobilier permettant de respecter la loi SRU sur le papier :
il s'agit de logements acquis par des propriétaires privés , qui en
délèguent la gestion à des bailleurs sociaux pour une durée de 15
ans. Ceux-ci les louent aux niveaux de loyers PLS , le « logement
social intermédiaire » ( terme employé par les bailleurs eux
même dans leurs rapports d'activité) inaccessible à 75 % des
demandeurs de logement.
Au bout de 15 ans, ces logements
rebasculent dans le privé : à charge pour le bailleur social
de reloger les locataires en titre, et de remettre l'immeuble en
état. Pendant quinze ans, les propriétaires réels voient leur bien
exonéré de l'assiette ISF, et bénéficient d'exonérations sur le
foncier et sur l'impôt sur la plus-value immobilière.
Au départ utilisé dans les Hauts deSeine, le dispositif est désormais en vigueur à Paris et utilisé
sur la ZAC Boucicaut mais aussi dans le 19ème arrondissement pour
faire grimper les chiffres des nouveaux logements sociaux, alors que
les programmes en ULS n'ont de social que le nom.
Multiloc : quand
la Ville paye les propriétaires et les agences immobilières pour
les remercier d'encaisser des loyers !
Avec ce nouveau dispositif, agences
immobilières et propriétaires privés se font choyer comme jamais.
La Ville de Paris offrira en effet une prime d' « entrée »
de 2000 euros aux propriétaires signant un contrat Multiloc et
jusqu'à 10 000 euros de travaux d'embellissement, ainsi que la
garantie loyers impayés. Et une prime de 1000 euros par logement
sera offerte aux agences immobilières .
Décidément, la Ville ne prête qu'aux
riches : à l'heure actuelle, les locataires qui demandent une
aide pour payer leur loyer se voient le plus souvent octroyer des
prêts par le Fond Solidarité Logement.
Le logement des
« classes moyennes » , un faux prétexte pour une
politique inadaptée aux besoins.
A
toutes les critiques sur le manque criant de logements très sociaux
et à l'aggravation du mal-logement, Anne Hidalgo et Ian Brossat
répondent en opposant artificiellement classes « moyennes »
et classes populaires. Les logements sociaux intermédiaires comme le
PLS , les dispositifs comme Multiloc ou l'Usufruit Locatif
social répondraient à un impératif de mixité sociale et aux
besoins spécifiques de certains Parisiens.
Mais si
c'était le cas, les PLS existants trouveraient preneur aussi
rapidement que les logements très sociaux : or faute de
candidats avec les ressources correspondantes, les logements PLS sont
attribués dans 70 % des cas à des foyers ayant des ressources
bien inférieures ( chiffres donnés par la Fondation Abbé Pierre). Le site Loc'Annonces a d'ailleurs été crée pour tenter d'attirer des
locataires car certains de ces logements nouvellement construits
restent vides .
A la
finale, il s'agit surtout de faire augmenter le prix moyen des loyers
du logement social, pour renflouer les caisses des bailleurs sociaux
que l'Etat ne finance plus.
Or,
plus les vrais logements sociaux à loyer modestes sont nombreux,
plus les loyers du privé se rééquilibrent à la baisse, à cause
de la concurrence de l'offre publique. Construire massivement du
logement très social rendrait pour le coup vraiment service aux
classes moyennes !
A
l'inverse , la politique actuelle amène celles-ci à consacrer une
part de plus en plus importante de leur budget au logement : et
les foyers qui sont suffisamment solvables préfèrent acheter à
crédit plutôt qu'engloutir des sommes énormes dans les loyers.
L'offre de logement intermédiaire financée par l'argent public est
une aubaine pour les investisseurs privés, et au mieux un pis aller
pour les locataires qui peuvent y accéder.
Une
politique de construction de vrais logements sociaux en masse , elle,
profiterait à tous , classes moyennes et classes populaires.C'est nécessaire et c'est urgent.