vendredi 16 octobre 2015

Rabotage des allocations logement: double peine pour les victimes de la hausse des loyers

La loi Macron étend les possibilités de financement public de l'investissement privé dans le logement intermédiaire.  Près d'un milliard d'euros sera engagé par le gouvernement cette année, selon les annonces de François Hollande, et 900 millions par la Caisse des Dépôts et Consignations. 

Cet investissement , qui concerne des logements inaccessibles aux 1,8 million de demandeurs de logement social sera donc contre-balancé par un rabotage des allocations-logement pour celles et ceux qui n'ont pas d'autre choix que de payer les loyers que les propriétaires leur imposent.


La loi de finances prévoit d'instaurer la dégressivité , voire la suppression des allocations logement en cas de loyer supérieur aux plafonds très bas fixés actuellement par la CNAF. L'argumentation du gouvernement stigmatise les locataires qui payent ces loyers : il s'agirait de pénaliser des allocataires qui, pour payer de tels loyers , auraient des « ressources cachées ».

Ceux qu'on présente comme des fraudeurs sont en réalité des victimes du mal-logement invisible , créé par la hausse des loyers en zone tendue : les « ressources cachées » de ces foyers au SMIC ou en dessous sont avant tout l'endettement par les crédits à la consommation et la privation au quotidien.

C'est en renonçant souvent même au strict nécessaire que de nombreuses familles acquittent des loyers exorbitants, n'ayant pas d'autre choix, faute de relogement dans le parc social. Quand la seule alternative est la perte du logement, on rogne sur tous les autres postes du budget, à commencer par le chauffage , ce qui entraîne des situations de précarité énergétique qui aggravent le mal-logement. Si les associations caritatives sont débordées par l'afflux des besoins en aide alimentaire, c'est aussi parce que des retraités, des familles modestes, des travailleurs pauvres n'ont même plus le budget nécessaire pour se nourrir après le paiement du loyer.

L'argumentation du gouvernement sur les prétendues « ressources cachées » des locataires est d'autant plus cynique que le critère du loyer trop élevé n'est même pas pris en compte pour le droit au logement opposable ( DALO). A l'heure actuelle, les décisions d'expulsions pour impayés de loyer ne cessent d'augmenter : plus de 113 000 en 2013 contre 109 000 en 2010 ( source : HPLCD). Diminuer, voire supprimer l'allocation logement à une partie des locataires entraînera inexorablement une nouvelle hausse de ces expulsions.


Comme il n'y a pas de petites injustices, le gouvernement rabote aussi les allocations logement des jeunes salariés précaires de moins de 25 ans en supprimant une dérogation aux règles de calcul: celle-ci permettait que leurs revenus réels soient minorés, lorsqu'ils n'étaient pas en CDI, et donc de percevoir une allocation plus importante. Raboter les droits sociaux de celles et ceux qui ont déjà le plus grand mal à quitter le domicile des parents pour trouver un logement autonome, voilà tout ce qu'a trouvé un gouvernement qui déclare faire des jeunes sa priorité.

Ces nouvelles mesures s'ajoutent à l'injustice des suspensions, voire des suppressions d'allocation pour les mal-logés victimes de la sur-occupation : les locataires de logements trop petits pour la composition familiales, au lieu d'être relogés dans le parc social sont soumis tous les deux ans à un réexamen de leur situation, qui les laisse souvent plusieurs mois sans allocations. Et ce en vertu d'une loi censée lutter contre les marchands de sommeil qui pénalise leurs victimes, pourtant théoriquement relogeables immédiatement en vertu de la loi DALO

De plus, ce nouveau rabotage intervient dans un contexte de fermeture des antennes CAF , et de service minimum voire inexistant pour l'accès aux droits des allocataires. Le manque de personnel aboutit à des retards de traitements des dossiers sans cesse plus importants, dans la capitale, les accueils CAF sont fermés une semaine par mois, tandis qu'ils sont supprimés en masse notamment en Seine Saint Denis. Combien d'erreurs , de retards de versement va entraîner ce nouveau changement législatif ?

La loi Pinel comme la loi Macron ont mis en place des dispositifs coûteux pour subventionner les propriétaires et les investisseurs immobiliers privés : les locataires, eux , sont au régime sec.

Le résultat est connu : le mal-logement explose, la précarité énergétique également. Ledispositif d'hébergement d'urgence est saturé : ceux qui y sont déjà n'ont aucun accès au relogement, et le rabotage continu du budget du logement social comme des aides à la personne jette sans cesse de nouvelles personnes à la rue.

Cette politique révoltante et injuste doit cesser.