lundi 20 mars 2017

Logement: à Benoît Hamon et Anne Hidalgo, nous demandons du concret maintenant.




Face au besoin de relogements, promettre pour le futur ne suffit pas. 

Le 15 mars dernier, nous avons investi le QG de Benoît Hamon, candidat à la présidentielle soutenu par Anne Hidalgo. Le programme du candidat prévoit 150 000 logements sociaux dont 130 000 logements très sociaux par an. Mais dans une élection nationale, lorsque des élus locaux soutiennent un candidat, on ne peut pas faire comme si le pouvoir de faire n'existait pas déjà sur le terrain. 

C'est d'autant plus vrai en matière de logement social, où les possibilités légales offertes aux grandes mairies sont très importantes.  

C'est encore plus vrai à Paris, une capitale qui a les moyens financiers pour faire la politique du logement social que ses élus souhaitent: or à Paris, depuis des années, c'est à peine un tiers des nouveaux "logements" qui sont du logement très social. Nous mettons volontairement le terme "logements " entre guillemets car , en réalité de nombreux hébergements d'urgence sont comptabilisés comme des logements , au titre de la loi SRU. 

Les politiques concrètes menées dans la capitale par une élue qui est un des principaux soutiens de Benoît Hamon sont donc bien différentes de ce que promet le candidat. 

Demandeurs de logement, nous sommes légitimes à exiger par la lutte, la cohérence entre les engagements pour le futur et la politique menée dans le présent. Celle-ci peut changer de manière très concrète, dès aujourd'hui et changer la vie de centaines de milliers de personnes. 

C'est ce que nous rappellerons ce mardi à Daniel Goldberg, parlementaire et responsable de la politique du Logement dans l'équipe de Benoît Hamon. Et éventuellement aux représentants d'Anne Hidalgo dont la présence ne nous a pas été confirmée à ce jour, illustration de la difficulté à avoir un quelconque dialogue social dans la capitale, sur la question du logement, dès lors qu'on ose protester contre le déni de droits permanent qui est notre quotidien de mal-logés. 

 

Sans toucher au niveau de loyers des logements déjà construits ou produits, on condamne les mal-logés à voir leur situation perdurer des années.


Exemple 1 : à Paris, les logements « reconventionnés », c'est à dire les logements appartenant à des bailleurs sociaux mais jusqu'ici en loyers libres, sont quasi systématiquement reconventionnés en PLS et pas en PLA-I. Cette mécanique peut très bien être changée immédiatement, et cela concernerait des milliers de logement même sur les trois dernières années .

Exemple 2 : Ian Brossat, adjoint au Logement, reconnaît lui même que la baisse du nombre des attributions provient notamment du fait que les logements disponibles arrivant en commission ont des niveaux de loyers trop élevés pour la majorité des personnes réellement demandeuses d'un logement social. Or la loi ALUR a ouvert la possibilité de la « remise sur quittances » ; en clair, un logement de niveau de loyer PLS peut voir celui-ci adapté temporairement à des revenus beaucoup moins élevés, jusqu'à ce que le foyer voit sa situation sociale s'améliorer et ses revenus augmenter. Certains bailleurs sociaux pratiquent déjà cette possibilité , mais pas ceux de la Ville de Paris. 

Conditionner l'activité hors logement très social des bailleurs sociaux au respect préalable de leur vocation première.

Exemple : dans la capitale, les bailleurs sociaux municipaux font désormais un peu de tout. Du logement intermédiaire, la gestion d'un parc de loyers libres qui donne lieu régulièrement à des scandales sur leurs occupants fortunés ( et pour cause vu le niveau des loyers), de l'Usufruit Locatif Social qui permet de faire du logement social seulement temporaire en PLS . Mais aussi de la construction et de la gestion de bâtiments high tech pour les entreprises ( pépinières, incubateurs, espaces commerciaux ). La seule RIVP a ouvert une dizaine d'immeubles destinés aux incubateurs d'entreprises à des prix défiant toute concurrence ( 179 euros le m2 par an, comme le bailleur le dit sur son site).
Le développement économique de la capitale ne dérange personne. Que les bailleurs sociaux logent des foyers dont les revenus sont plus élevés que ceux des classes populaires n'est pas non plus choquant en soi.
Mais il n'est pas possible que la mission initiale d'un service public ne soit pas remplie, que les responsables de ce service public déclarent ne pas être en mesure de faire plus pour le remplir, mais se livrent dans le même temps à d'autres activités.
Ce mouvement ne peut que s'accélérer car la première loi Macron a notamment permis la création de filiales de logement intermédiaire autonome pour les bailleurs sociaux.

Faire du logement...la priorité des politiques de logement.


Depuis des années, le prétexte de l'urgence conduit au développement de dispositifs d'hébergement, précaire et temporaire de plus en plus nombreux. Résidences sociales, pensions de familles, foyers pour les « jeunes travailleurs », foyers pour les « précaires », « logements de transition », « hôtels sociaux » , « logements passerelles », «  co-location sociale », les appellations et les trouvailles ne manquent pas.

L'immense majorité de ces hébergements précaires sont comptabilisés comme du logement très social. Ce qu'ils ne sont pas.

Un double phénomène accompagne la généralisation de ces structures : d'une part, elles sont imposées sous divers prétextes à des personnes qui ont droit au logement, qui ont déjà vécu l'hébergement d'urgence ou la rue.

Ex : dans la capitale, de nombreuses familles hébergées, parfois depuis des années en hôtel classique se voient proposer un « Louez Solidaires » ou un « Solibail en banlieue » ou une résidence sociale . Contrairement aux discours politiques tenus sur ces dispositifs, ceux-ci ne remplacent donc pas l'hébergement d'urgence de mauvaise qualité, mais un vrai relogement stable. Il ne s'agit pas d'améliorer l'accueil initial de personnes en très grande urgence sociale, mais de l'ajout d'une « étape » supplémentaire dans un parcours de précarité.

D'autre part, comme ces hébergements sont comptabilisés pour la plupart au titre de la SRU comme PLA-I, leur construction en masse remplace souvent celle de vrais logements. Résultat, ce qui devait être une « transition vers le logement «  devient une situation quasi-définitive .

De manière invisible, mais très importante numériquement, c'est toute une partie de la population qu'on écarte du droit à un vrai logement, sous prétexte de « situations spécifiques » de « publics en grande difficulté », qui recouvrent en réalité les situations qui devaient justement ouvrir immédiatement à l'accès au logement social.

Dans ce contexte la loi SRU devient un non-sens commode : puisqu'on peut la respecter en faisant uniquement de l'hébergement temporaire OU du logement social le plus cher ( PLS), cela ne résoud pas grand-chose aux problèmes de logement que nous rencontrons.

Le logement est un droit pas un concours ou une course aux critères.


Entre loi DALO et cotations municipales, le droit au logement effectif dans les textes devient finalement peu de choses dans les faits.

L'accumulation des « critères » de priorité fixés arbitrairement par des instances de plus en plus nombreuses ( législateur, assemblées municipales, bailleurs dans leurs chartes internes, commission de médiation censées « interpréter la loi) aboutit à exiger des demandeurs de logement plus de démarches et de documents administratifs qu'on en demande à un promoteur pour construire ce qu'il veut. Bizarrement, alors que le terme «  simplification administrative » est devenu très à la mode dans tous les domaines, pour les mal-logés, la complexification est la règle.

Ex : dans la capitale, obtenir les preuves nécessaires à la validation d'un dossier DALO est souvent impossible, les services publics ne mettant pas à disposition des usagers les documents nécessaires à la preuve de l'insalubrité, ne fournissant aucun moyen de prouver qu'on habite une surface bien plus petite que celle qui figure sur le bail. L'insuffisance des services de domiciliation administrative pour les personnes en situation d'errance urbaine empêche d'apporter une preuve qu'on est SDF, mais l'adresse administrative chez un membre de sa famille aboutit souvent à ce que les commissions DALO décrètent que l'on n'est pas en situation d'urgence.

La cotation aboutit aux mêmes absurdités : à situation égale, un document en plus augmente le nombre de points. Ce n'est donc plus le besoin réel de logement qui est apprécié mais la capacité à monter des dossiers de plus en plus fournis, capacité qui diminue forcément avec les situations de précarité, avec un nombre moindre de travailleurs sociaux disponibles dans le quartier où l'on habite, avec les difficultés liés à l'usage maîtrisé et régulier d'Internet pour mettre son dossier à jour.

Or le droit au logement n'est pas une aumône accordée aux plus misérables, mais un droit universel et le droit au logement social n'est pas un « dernier recours » que chaque élu réserverait aux situations les plus graves qu'il aurait lui même déterminées , toujours définies de manière plus restrictives mais un service public pour celles et ceux qui n'ont pas les moyens d'accéder au marché privé.

Pour un dialogue social réel avec les mouvements de mal-logés.

Nous avons écouté la déclaration de Monsieur Romero, responsable de la campagne de Benoît Hamon  à la presse ( voir la vidéo ci-dessus ) après notre occupation et notamment ses propos sur le fait que ce serait à la Ville de Paris de choisir les interlocuteurs qu'elle voudrait sur la question du mal-logement, et que « l'on ne pouvait pas manifester à dix dans la rue et être représentatifs sur cette seule base ».

Nous la trouvons étrange : Benoit Hamon considère-t-il que ce sera à lui de choisir parmi les syndicats , ou parmi les associations qui parlent de telle ou telle cause sans qu'elles aient été élues, celles qui sont représentatives ou celles qui ne le sont pas ?

Notre collectif existe depuis presque quinze ans. Nous ne bénéficions d'aucun fond public et ne le souhaitons pas. Nous n'avons ni local, ni salariés payés pour développer notre activité. Nous ne prétendons pas être plus représentatifs que d'autres des 219 000 foyers parisiens mal-logés.
Mais notre lutte existe sur la durée, et si elle n'avait rassemblé que dix personnes, nous ne serions plus là. La lutte sociale est en soi quelque chose que des interlocuteurs se présentant comme défenseurs des luttes sociales doivent respecter et prendre en compte. Il est désolant d'avoir à rappeler de telles évidences.