Face au besoin de relogements, promettre pour le futur ne suffit pas.
Le 15 mars dernier, nous avons investi le QG de Benoît Hamon, candidat à la présidentielle soutenu par Anne Hidalgo. Le programme du candidat prévoit 150 000 logements sociaux dont 130 000 logements très sociaux par an. Mais dans une élection nationale, lorsque des élus locaux soutiennent un candidat, on ne peut pas faire comme si le pouvoir de faire n'existait pas déjà sur le terrain.
C'est d'autant plus vrai en matière de logement social, où les possibilités légales offertes aux grandes mairies sont très importantes.
C'est encore plus vrai à Paris, une capitale qui a les moyens financiers pour faire la politique du logement social que ses élus souhaitent: or à Paris, depuis des années, c'est à peine un tiers des nouveaux "logements" qui sont du logement très social. Nous mettons volontairement le terme "logements " entre guillemets car , en réalité de nombreux hébergements d'urgence sont comptabilisés comme des logements , au titre de la loi SRU.
Les politiques concrètes menées dans la capitale par une élue qui est un des principaux soutiens de Benoît Hamon sont donc bien différentes de ce que promet le candidat.
Demandeurs de logement, nous sommes légitimes à exiger par la lutte, la cohérence entre les engagements pour le futur et la politique menée dans le présent. Celle-ci peut changer de manière très concrète, dès aujourd'hui et changer la vie de centaines de milliers de personnes.
C'est ce que nous rappellerons ce mardi à Daniel Goldberg, parlementaire et responsable de la politique du Logement dans l'équipe de Benoît Hamon. Et éventuellement aux représentants d'Anne Hidalgo dont la présence ne nous a pas été confirmée à ce jour, illustration de la difficulté à avoir un quelconque dialogue social dans la capitale, sur la question du logement, dès lors qu'on ose protester contre le déni de droits permanent qui est notre quotidien de mal-logés.
Sans toucher au niveau de loyers des logements déjà construits ou produits, on condamne les mal-logés à voir leur situation perdurer des années.
Exemple 1 : à
Paris, les logements « reconventionnés », c'est à dire
les logements appartenant à des bailleurs sociaux mais jusqu'ici en
loyers libres, sont quasi systématiquement reconventionnés en PLS
et pas en PLA-I. Cette mécanique peut très bien être changée
immédiatement, et cela concernerait des milliers de logement même
sur les trois dernières années .
Exemple 2 :
Ian Brossat, adjoint au Logement, reconnaît lui même que la baisse
du nombre des attributions provient notamment du fait que les
logements disponibles arrivant en commission ont des niveaux de
loyers trop élevés pour la majorité des personnes réellement
demandeuses d'un logement social. Or la loi ALUR a ouvert la
possibilité de la « remise sur quittances » ; en
clair, un logement de niveau de loyer PLS peut voir celui-ci adapté
temporairement à des revenus beaucoup moins élevés, jusqu'à ce
que le foyer voit sa situation sociale s'améliorer et ses revenus
augmenter. Certains bailleurs sociaux pratiquent déjà cette
possibilité , mais pas ceux de la Ville de Paris.
Conditionner l'activité hors logement très social des bailleurs sociaux au respect préalable de leur vocation première.
Exemple :
dans la capitale, les bailleurs sociaux municipaux font désormais un
peu de tout. Du logement intermédiaire, la gestion d'un parc de
loyers libres qui donne lieu régulièrement à des scandales sur
leurs occupants fortunés ( et pour cause vu le niveau des loyers),
de l'Usufruit Locatif Social qui permet de faire du logement social
seulement temporaire en PLS . Mais aussi de la construction et de la
gestion de bâtiments high tech pour les entreprises ( pépinières,
incubateurs, espaces commerciaux ). La seule RIVP a ouvert une
dizaine d'immeubles destinés aux incubateurs d'entreprises à des
prix défiant toute concurrence ( 179 euros le m2 par an, comme le
bailleur le dit sur son site).
Le
développement économique de la capitale ne dérange personne. Que
les bailleurs sociaux logent des foyers dont les revenus sont plus
élevés que ceux des classes populaires n'est pas non plus choquant
en soi.
Mais
il n'est pas possible que la mission initiale d'un service public ne
soit pas remplie, que les responsables de ce service public déclarent
ne pas être en mesure de faire plus pour le remplir, mais se livrent
dans le même temps à d'autres activités.
Ce
mouvement ne peut que s'accélérer car la première loi Macron a
notamment permis la création de filiales de logement intermédiaire
autonome pour les bailleurs sociaux.
Faire du logement...la priorité des politiques de logement.
Depuis
des années, le prétexte de l'urgence conduit au développement de
dispositifs d'hébergement, précaire et temporaire de plus en plus
nombreux. Résidences sociales, pensions de familles, foyers pour les
« jeunes travailleurs », foyers pour les « précaires »,
« logements de transition », « hôtels sociaux »
, « logements passerelles », « co-location
sociale », les appellations et les trouvailles ne manquent pas.
L'immense
majorité de ces hébergements précaires sont comptabilisés comme
du logement très social. Ce qu'ils ne sont pas.
Un
double phénomène accompagne la généralisation de ces structures :
d'une part, elles sont imposées sous divers prétextes à des
personnes qui ont droit au logement, qui ont déjà vécu
l'hébergement d'urgence ou la rue.
Ex :
dans la capitale, de nombreuses familles hébergées, parfois depuis
des années en hôtel classique se voient proposer un « Louez
Solidaires » ou un « Solibail en banlieue » ou une
résidence sociale . Contrairement aux discours politiques tenus sur
ces dispositifs, ceux-ci ne remplacent donc pas l'hébergement
d'urgence de mauvaise qualité, mais un vrai relogement stable. Il ne
s'agit pas d'améliorer l'accueil initial de personnes en très
grande urgence sociale, mais de l'ajout d'une « étape »
supplémentaire dans un parcours de précarité.
D'autre
part, comme ces hébergements sont comptabilisés pour la plupart au
titre de la SRU comme PLA-I, leur construction en masse remplace
souvent celle de vrais logements. Résultat, ce qui devait être une
« transition vers le logement « devient une situation
quasi-définitive .
De
manière invisible, mais très importante numériquement, c'est toute
une partie de la population qu'on écarte du droit à un vrai
logement, sous prétexte de « situations spécifiques »
de « publics en grande difficulté », qui recouvrent en
réalité les situations qui devaient justement ouvrir immédiatement
à l'accès au logement social.
Dans
ce contexte la loi SRU devient un non-sens commode : puisqu'on
peut la respecter en faisant uniquement de l'hébergement temporaire
OU du logement social le plus cher ( PLS), cela ne résoud pas
grand-chose aux problèmes de logement que nous rencontrons.
Le logement est un droit pas un concours ou une course aux critères.
Entre
loi DALO et cotations municipales, le droit au logement effectif dans
les textes devient finalement peu de choses dans les faits.
L'accumulation
des « critères » de priorité fixés arbitrairement par
des instances de plus en plus nombreuses ( législateur, assemblées
municipales, bailleurs dans leurs chartes internes, commission de
médiation censées « interpréter la loi) aboutit à exiger
des demandeurs de logement plus de démarches et de documents
administratifs qu'on en demande à un promoteur pour construire ce
qu'il veut. Bizarrement, alors que le terme « simplification
administrative » est devenu très à la mode dans tous les
domaines, pour les mal-logés, la complexification est la règle.
Ex :
dans la capitale, obtenir les preuves nécessaires à la validation
d'un dossier DALO est souvent impossible, les services publics ne
mettant pas à disposition des usagers les documents nécessaires à
la preuve de l'insalubrité, ne fournissant aucun moyen de prouver
qu'on habite une surface bien plus petite que celle qui figure sur le
bail. L'insuffisance des services de domiciliation administrative
pour les personnes en situation d'errance urbaine empêche d'apporter
une preuve qu'on est SDF, mais l'adresse administrative chez un
membre de sa famille aboutit souvent à ce que les commissions DALO
décrètent que l'on n'est pas en situation d'urgence.
La
cotation aboutit aux mêmes absurdités : à situation égale,
un document en plus augmente le nombre de points. Ce n'est donc plus
le besoin réel de logement qui est apprécié mais la capacité à
monter des dossiers de plus en plus fournis, capacité qui diminue
forcément avec les situations de précarité, avec un nombre moindre
de travailleurs sociaux disponibles dans le quartier où l'on habite,
avec les difficultés liés à l'usage maîtrisé et régulier
d'Internet pour mettre son dossier à jour.
Or
le droit au logement n'est pas une aumône accordée aux plus
misérables, mais un droit universel et le droit au logement social
n'est pas un « dernier recours » que chaque élu
réserverait aux situations les plus graves qu'il aurait lui même
déterminées , toujours définies de manière plus restrictives mais
un service public pour celles et ceux qui n'ont pas les moyens
d'accéder au marché privé.
Pour un dialogue
social réel avec les mouvements de mal-logés.
Nous
avons écouté la déclaration de Monsieur Romero, responsable de la campagne de Benoît Hamon à la presse ( voir la vidéo ci-dessus ) après
notre occupation et notamment ses propos sur le fait que ce serait à
la Ville de Paris de choisir les interlocuteurs qu'elle voudrait sur
la question du mal-logement, et que « l'on ne pouvait pas
manifester à dix dans la rue et être représentatifs sur cette
seule base ».
Nous
la trouvons étrange : Benoit Hamon considère-t-il que ce sera
à lui de choisir parmi les syndicats , ou parmi les associations qui
parlent de telle ou telle cause sans qu'elles aient été élues,
celles qui sont représentatives ou celles qui ne le sont pas ?
Notre
collectif existe depuis presque quinze ans. Nous ne bénéficions
d'aucun fond public et ne le souhaitons pas. Nous n'avons ni local,
ni salariés payés pour développer notre activité. Nous ne
prétendons pas être plus représentatifs que d'autres des 219 000
foyers parisiens mal-logés.
Mais
notre lutte existe sur la durée, et si elle n'avait rassemblé que
dix personnes, nous ne serions plus là. La lutte sociale est en soi
quelque chose que des interlocuteurs se présentant comme défenseurs
des luttes sociales doivent respecter et prendre en compte. Il est désolant d'avoir à rappeler de telles évidences.
