La toute nouvelle "Maison des économies solidaires et innovantes", un énième incubateur de start up financé par la Ville a reçu aujourd'hui la visite d'une centaine de mal-logés en colère, qui ont manifesté sur la terrasse du bâtiment une bonne partie de la journée.
A mi-mandat d'Anne
Hidalgo, 220 000 demandes de logement sont en attente à Paris.
Pourtant, jamais le
mal-logement n'a été autant invisibilisé à Paris
Au contraire la capitale
est perçue comme une ville non seulement dynamique mais solidaire.
Dynamique avec ses
incubateurs de start-up qui s'installent même dans les quartiers
populaires et donc certaines, comme ici, à la Maison de l'Economie
Circulaire, font même de « l'innovation sociale ».
Solidaire, puisque l'équipe municipale vante ses 7000 « nouveaux
logements sociaux annuels ».
Tout va pour le mieux à
Paris, donc. Tant pis pour les mal-logés, notamment ceux qui
manifestent et qu'on fait repousser par les CRS au compte-rendu de
mandat d'Anne Hidalgo. Tant pis pour les mal-logés à qui la
conseillère logement d'Anne Hidalgo explique froidement lorsqu'elle
les reçoit, que le mal-logement est un « tonneau des
Danaïdes » et qu'on n'y peut pas grand chose. Reloger les
demandeurs en attente, ce serait comme remplir un tonneau percé ,
absurde et inutile.
Pour nos élus, dans le
domaine du logement social, il est donc hors de question de se fonder
sur la demande existante, même si elle correspond à un besoin et à
un droit fondamental.
Pire, dans leur
affrontement avec le gouvernement, les bailleurs sociaux de la Ville
de Paris n'hésitent pas à se servir des demandeurs de logement
comme bouclier et annoncent qu'ils suspendront les programmes de
construction de logement sociaux prévus, en prenant le prétexte de
la baisse de leur budget.
Le droit d'entreprendre
lui, est pourtant respecté avec l'argent public, et en fonction de
la demande : à la Maison de l'Economie Circulaire, on loge des
start up, comme on en loge au Cargo, toujours dans le 19ème
arrondissement, comme on en loge dans l'incubateur de la ZAC Pajol,
comme on en logera dans la ZAC La Chapelle. Les quartiers populaires
sont « en pleine mutation », de plus en lus
« dynamiques » , de plus en plus attrayants. La seule
RIVP, deuxième bailleur social de la Ville de Paris, revendique 153
000m2 de bureaux, à tarifs sociaux , pour les entreprises. 153 000
m2, 1000 logements de 100m2, la production de logements très sociaux
de la RIVP sur plusieurs années.
Seulement, derrière la
façade de l'économie « circulaire » "sociale" et "innovante", les Parisiens aux
revenus modestes subissent le cercle vicieux de la prétendue
« mixité sociale » : en son nom, la Ville de Paris,
comme la mairie du 19ème arrondissement, multiplient les programmes
de logements PLS, inaccessibles à 90 % des demandeurs de
logement parisiens, sous prétexte qu'il y a déjà trop de logements
sociaux « bon marché » dans l'arrondissement. Ce
raisonnement ne tient aucun compte de la réalité des
transformations urbaines : en quinze ans, le parc privé est
devenu inaccessible aux catégories populaires qui y vivaient
auparavant. La mixité sociale y a été totalement balayée, et le
phénomène ne cesse pas de s'aggraver ; surtout avec les
nombreux programmes de promoteurs privés autorisés sur le foncier
disponible.
Il y a quinze ans , le
mal-logement était beaucoup plus visible dans le 19ème
arrondissement, comme dans d'autres quartiers populaires de la
capitale : aujourd'hui les taudis géants et les hôtels meublés
ont certes disparu pour beaucoup. Mais pas les victimes du
mal-logement : l'insalubrité en diffus, et les appartements
hors de prix et dégradés sont disséminés dans des immeubles
apparemment sans problèmes. Dans les chambres de bonne des beaux
quartiers. Dans les cités HLM non rénovées. Dans les hôtels et
les taudis qui existent toujours un peu plus loin en banlieue où
survivent de manière précaire bien des Parisiens qui ont toutes
leurs attaches à Paris. Le mal-logement invisible c'est aussi
l'entassement des générations dans les logements, et une jeunesse
précaire qui n'a aucune chance d'accéder à un logement autonome,
même avec un emploi.
Nous ne sommes pas des
Parisiens de seconde zone, notre droit au logement n'est pas en
option. Tant qu'il ne sera pas respecté, en lutte, nous rendrons le
mal-logement visible dans les vitrines de la ville Lumière