mercredi 25 octobre 2017

Paris: un nouvel incubateur de start up occupé


La toute nouvelle "Maison des économies solidaires et innovantes", un énième incubateur de start up financé par la Ville a reçu aujourd'hui la visite d'une centaine de mal-logés en colère, qui ont manifesté sur la terrasse du bâtiment une bonne partie de la journée.
 
A mi-mandat d'Anne Hidalgo, 220 000 demandes de logement sont en attente à Paris.
Pourtant, jamais le mal-logement n'a été autant invisibilisé à Paris

Au contraire la capitale est perçue comme une ville non seulement dynamique mais solidaire.
Dynamique avec ses incubateurs de start-up qui s'installent même dans les quartiers populaires et donc certaines, comme ici, à la Maison de l'Economie Circulaire, font même de « l'innovation sociale ». Solidaire, puisque l'équipe municipale vante ses 7000 « nouveaux  logements sociaux annuels ».

Tout va pour le mieux à Paris, donc. Tant pis pour les mal-logés, notamment ceux qui manifestent et qu'on fait repousser par les CRS au compte-rendu de mandat d'Anne Hidalgo. Tant pis pour les mal-logés à qui la conseillère logement d'Anne Hidalgo explique froidement lorsqu'elle les reçoit, que le mal-logement est un « tonneau des Danaïdes » et qu'on n'y peut pas grand chose. Reloger les demandeurs en attente, ce serait comme remplir un tonneau percé , absurde et inutile.

Pour nos élus, dans le domaine du logement social, il est donc hors de question de se fonder sur la demande existante, même si elle correspond à un besoin et à un droit fondamental.

Pire, dans leur affrontement avec le gouvernement, les bailleurs sociaux de la Ville de Paris n'hésitent pas à se servir des demandeurs de logement comme bouclier et annoncent qu'ils suspendront les programmes de construction de logement sociaux prévus, en prenant le prétexte de la baisse de leur budget.

Le droit d'entreprendre lui, est pourtant respecté avec l'argent public, et en fonction de la demande : à la Maison de l'Economie Circulaire, on loge des start up, comme on en loge au Cargo, toujours dans le 19ème arrondissement, comme on en loge dans l'incubateur de la ZAC Pajol, comme on en logera dans la ZAC La Chapelle. Les quartiers populaires sont « en pleine mutation », de plus en lus « dynamiques » , de plus en plus attrayants. La seule RIVP, deuxième bailleur social de la Ville de Paris, revendique 153 000m2 de bureaux, à tarifs sociaux , pour les entreprises. 153 000 m2, 1000 logements de 100m2, la production de logements très sociaux de la RIVP sur plusieurs années.


Seulement, derrière la façade de l'économie « circulaire » "sociale" et "innovante", les Parisiens aux revenus modestes subissent le cercle vicieux de la prétendue « mixité sociale » : en son nom, la Ville de Paris, comme la mairie du 19ème arrondissement, multiplient les programmes de logements PLS, inaccessibles à 90 % des demandeurs de logement parisiens, sous prétexte qu'il y a déjà trop de logements sociaux « bon marché » dans l'arrondissement. Ce raisonnement ne tient aucun compte de la réalité des transformations urbaines : en quinze ans, le parc privé est devenu inaccessible aux catégories populaires qui y vivaient auparavant. La mixité sociale y a été totalement balayée, et le phénomène ne cesse pas de s'aggraver ; surtout avec les nombreux programmes de promoteurs privés autorisés sur le foncier disponible.

Il y a quinze ans , le mal-logement était beaucoup plus visible dans le 19ème arrondissement, comme dans d'autres quartiers populaires de la capitale : aujourd'hui les taudis géants et les hôtels meublés ont certes disparu pour beaucoup. Mais pas les victimes du mal-logement : l'insalubrité en diffus, et les appartements hors de prix et dégradés sont disséminés dans des immeubles apparemment sans problèmes. Dans les chambres de bonne des beaux quartiers. Dans les cités HLM non rénovées. Dans les hôtels et les taudis qui existent toujours un peu plus loin en banlieue où survivent de manière précaire bien des Parisiens qui ont toutes leurs attaches à Paris. Le mal-logement invisible c'est aussi l'entassement des générations dans les logements, et une jeunesse précaire qui n'a aucune chance d'accéder à un logement autonome, même avec un emploi.

Nous ne sommes pas des Parisiens de seconde zone, notre droit au logement n'est pas en option. Tant qu'il ne sera pas respecté, en lutte, nous rendrons le mal-logement visible dans les vitrines de la ville Lumière