« Les
villes de demain ne seront ni des châteaux dans le ciel ni des cités
sous-marines (quoique…), mais il nous revient cependant de les
imaginer, avec autant de créativité que de pragmatisme, et surtout,
avec enthousiasme. »
C’est
une très jolie déclaration d’intention : celle du groupe
immobilier VINCI , qui inaugure ce soir son laboratoire de la
ville future , en présence de Jean Louis Missika, adjoint à
l’Urbanisme d’Anne Hidalgo. C’est aussi le lancement du
festival « Building Beyond », qui va réunir élus,
start up, géants de l’immobilier , représentants de l’état et
des collectivités territoriales pendant plusieurs semaines.
L’objectif affiché : construire et gérer la ville monde de
demain, ultra-connectée, futuriste, innovatrice , écologique et
ouverte à tous.
Mal-logés,
locataires du logement social, ou experts contraints de l’errance
urbaine faute de logement stable, nous sommes venus remettre un peu
de réel dans l’utopie.
Parisiens
modestes, habitants d’une des métropoles les plus riches du monde,
nous ne demandons ni châteaux dans le ciel, ni cités sous-marines .
Nous n’en sommes malheureusement pas là, mais à nous battre pour
avoir un simple logement décent, modèle années 70, où les murs ne
suintent pas d’humidité, sans accessibilité au plomb, sans trou
dans le plafond, avec l’espace nécessaire pour que les enfants ne
fassent pas leurs devoirs dans la salle de bain pendant que les
parents cuisinent dans la chambre. Un logement dans un quartier bien
desservi en transports et en services publics, un logement stable, un
logement au loyer correspondant à nos revenus de précaires, de
salariés et de retraités modestes.
C’est
trop demander : le futur n’appartient pas à tout le monde.
Etre mal-logé à Paris et Ile de France, c’est être relégué
dans le passé. Un
passé bien présent, au coeur de la « smart city » que
les décideurs politiques et entrepreneuriaux font mine de ne pas
voir.
240
000 foyers continuent à renouveler leur demande de logement chaque
année. C’est deux fois plus qu’il y a dix ans : le marché
privé est devenu inaccessible, le logement social en bon état
devient aussi un bien rare. Les loyers des appartements HLM neufs
sont aussi trop chers, et nombre de dossiers de mal-logés pourtant
reconnus urgents sont rejetés par les bailleurs sociaux
parisiens,pour « insuffisance de ressources ». Le parc
ancien se dégrade. Les logements rachetés par des bailleurs sociaux
et soit-disant « réhabilités » avec de l’argent
public versé à de grandes entreprises sont souvent en très mauvais
état.
La
population francilienne en butte au mal-logement est confrontée à
un mur de mépris et de non-réponse : l’antenne logement
centrale de la Ville de Paris a fermé, celle du premier bailleur
social parisien Paris Habitat aussi. Les élus reconnaissent eux-même
que le système informatique qui recense les informations sur les
demandeurs de logement et détermine la fameuse cotation censée
mesurer le mal-logement dysfonctionne. Bienvenue dans la « smart
city », où l’on peut diriger les transports en commun sans
intervention humaine, gérer les flux de tout et n’importe quoi en
s’aidant de simulations en réalité virtuelle, dès lors qu’il
s’agit de proposer les meilleurs services possibles pour les JO
2024 ou pour les entreprises internationales qui veulent s’installer
dans la capitale. Mais où personne n’est capable de faire un
logiciel correct pour gérer des demandes de logement.
Lorsque
nous manifestons au siège des bailleurs sociaux, dans les mairies,
dans les endroits censés nous assurer le respect du droit au
logement, les décideurs nous ignorent
Nous
venons donc faire tache là où nos élus auront honte de nous :
dans le laboratoire privé de la ville du Futur, celle dont on
voudrait nous exclure.