Vendre
des logements sociaux pour financer des logements sociaux ? On
a beau retourner l’idée dans tous les sens, elle paraît absurde.
Normal, elle l’est. En facilitant la vente de HLM , qui était
déjà possible avant, la loi ELAN pousse les bailleurs sociaux à
détruire le parc de logements à bon marché sur le moyen terme pour
rentabiliser leurs sociétés à court terme.
Batigère
met ainsi en vente des logements familiaux dans des zones tendues, où
le manque de logements aux loyers accessibles n’a jamais été
aussi criant. A Puteaux où à Montreuil, des appartements, qui à
terme auraient pu être attribués à des familles modestes ou à des
jeunes salariés sans garants suffisants, sont ainsi remis dans le
parc privé. Ces logements ont pourtant été financés avec de
l’argent public . Aujourd’hui ils sont bradés et feront dans
quelques années le bonheur des investisseurs, car ils sont situés
au coeur du Grand Paris, là où les transports et les aménagements
urbains qui vont se multiplier font monter les prix.
Pour
les mal-logés, c’est une provocation : la production de
logement social neuf s’est effondrée en 2017, notamment en zone
tendue. Il y a eu 30 000 logements sociaux neufs en moins, alors que
presque 3 millions de demandes de logement sont enregistrées. En Ile
de France , en quelques années , le nombre de demandes non
satisfaites est passé de 500 000 à 900 000.
Des
logements temporairement sociaux pour échapper à l’impôt sur la
fortune immobilière.
Batigère est aussi un des
bailleurs sociaux qui s’engagent dans un dispositif dévastateur à
terme pour le parc social : l’usufruit locatif social. A Paris
, un programme de 37 logements PLS vient d’être présenté, et
dans toutes les villes carencées au titre de la loi SRU, notamment
dans les Hauts de Seine, il fait fureur chez les maires qui ne
veulent pas de vrai logement social.
L’usufruit locatif social
est présenté comme un moyen de construire « sans frais »pour
les bailleurs : en réalité, ceux-ci investissent dans la
construction et l’entretien d’immeubles qui appartiennent à des
investisseurs privés. Pendant quinze ans, ces investisseurs en
laissent l’usage au bailleur social, mais ils le récupèrent
ensuite, remis à neuf et débarrassé de ses locataires , si c’est
leur souhait, à charge pour le bailleur de les reloger.
L’usufruit
locatif social est conseillé par tous les sites de conseil en
investissement financier car il permet d’échapper à l’impôt
sur la fortune immobilière,
tout en se constituant un beau patrimoine dans des zones où les prix
de l’immobilier ne cessent de grimper. D’ailleurs, Nexity, l’une
des plus grosses sociétés immobilières françaises a récemment
racheté PERL, le principal opérateur privé de l’usufruit locatif
social.
Et
pour cause : à
quelques exceptions près, les logements en ULS ont des loyers PLS,
les plus chers du parc social. Comptabilisés au titre de la loi SRU,
il sont l’écran de fumée idéal pour gonfler les statistiques de
productions de logement social, sans permettre durablement
l’installation d’un parc de logements à loyers abordables sur
des communes qui ne veulent pas d’une population aux revenus
modestes. Dans quelques années, tous ces logements qui auront été
financés avec des impôts non perçus sur l’investissement
immobilier retourneront au privé, pendant que les bailleurs sociaux
se retrouveront avec leurs locataires à reloger dans un parc déjà
saturé.
Dans
le même temps, des centaines de milliers de logements sociaux auront
été vendus.
C’est
bien l’existence du parc social , seul à même de répondre aux
besoins en logement des catégories populaires qui est en jeu
aujourd’hui. C’est bien la disparition du modèle du logement
social qui se dessine, alors que des millions de personnes sont
mal-logées.