Plusieurs jours après l'effondrement de plusieurs immeubles de taudis à Marseille, le nombre exact de victimes n'est même pas encore connu. A elle seule cette incertitude démontre l'indifférence dans laquelle survivent et meurent des mal-logés.
L'intérêt des autorités pour toutes ces personnes était finalement si mince, qu'elles ne savaient même pas vraiment combien elles étaient à vivre dans le danger permanent , alors même que l'état des immeubles était dénoncé depuis des années.
Mal-logés , nous avons manifesté aujourd'hui au siège de l'ANAH, L'Agence Nationale de l'Habitat , où le Ministre était présent avant-hier pour vanter la politique menée contre l'insalubrité , et assurer que de nouvelles mesures seraient prises contre les "marchands de sommeil".
La réalité nous empêche d'y croire . Nous l'avons dit à l'ANAH, nous sommes Marseille, où le drame, prévisible, n'est pas dû à un micro-climat local. Certes la Ville concentre des proches d'insalubrité. Des immeubles entiers. Mais c'est aussi le cas en banlieue parisienne et de nouveau dans la capitale. C'est le cas en Seine Saint Denis, où les incendies font régulièrement des ravages mortels.
Et si l'insalubrité ne tue pas toujours, elle met en danger des centaines de milliers, voire des millions de personnes, car les statistiques sont toujours en dessous de la réalité, puisque le signalement dépend uniquement de locataires et d'occupants en situation de faiblesse qui , bien souvent, n'osent rien dire , de peur que leur propriétaire les expulse.
L'insalubrité, avant l'effondrement, c'est l'humidité insupportable, c'est le froid tout l'hiver, ce sont les invasions de nuisibles, les risques liés aux installations électriques défaillantes, le plomb des peintures qui provoque le saturnisme. C'est la survie dans des conditions dignes du 19ème siècle au coeur des villes au 21ème siècle
Les discours martiaux contre les marchands de sommeils sont les mêmes après chaque drame. Ils sont aussi renouvelés à chaque nouvelle loi sur le logement: il y a quelques années, la loi ALUR était censée éradiquer le phénomène que la loi Elan prétend combattre aujourd'hui.
En réalité, pour une procédure pénale , cent autre situations ne font l'objet d'aucune solution concrète. Il n'y jamais eu autant d'institutions censées être compétentes dans la lutte contre l'insalubrité: les communes, les établissements intercommunaux, les préfectures, les agences publiques comme l'ANAH, les Agences Régionales de Santé, les commissions DALO, les opérateurs privés faisant l'objet de financements publics. Mais la multiplication des interlocuteurs permet surtout la dilution des responsabilités. Les mal-logés concernés se perdent dans le labyrinthe des signalements à effectuer, des procédures qui traînent en longueur, des demi-mesures qui ne résolvent rien, ne sont pas relogés sous prétexte d'hypothétiques travaux . Et lorsqu'un drame survient, l'ensemble des responsables de la situation se défausse sur le voisin.
A Marseille comme ailleurs , lorsque des mal-logés meurent de l'insalubrité, c'est d'abord parce que leur droit à un logement décent n'a pas été respecté. Si les marchands de sommeil peuvent vendre de la misère et du danger à prix d'or, c'est avant tout parce qu'une partie de la population n'a pas d'autre abri possible que leurs taudis.