jeudi 21 février 2019

Grand Paris, mal logement : Arc de l'Innovation , ou de la régression sociale ?


Ce 21 février, start up et élus franciliens se retrouvaient pour remettre des prix suite au premier appel à projets de l'Arc de l'Innovation. Une collaboration entre acteurs publics et privés pour promouvoir une « effervescence inspirante » dans l'Est du Grand Paris. Moins poétiquement, pour créer une dynamique économique et urbaine qui transforme profondément cette partie de l'Ile de France.

Malheureusement, dans l'esprit des acteurs économiques et politiques , la transformation de ces zones passe essentiellement par le « rééquilibrage Est/Ouest » des logements dans leGrand Paris. Pas assez d'entreprises et de « lieux innovants » dans l'Est et trop de populations paupérisées selon l'analyse de l'Arc de l'Innovation.

Si nous étions de trop dans l'Est , mais que l'on permette à la population modeste de se loger massivement dans l'Ouest, ce jugement de valeur ne serait pas dramatique. La réalité est toute autre . Ces quinze dernières années , les populations qui ne peuvent plus se loger décemment dans l'Est du Grand Paris sont confrontées à une alternative quasi inévitable : rester dans leurs quartiers et dans le mal-logement le plus sordide, ou partir plus loin dans des zones plus éloignées du cœur de la métropole, sans garantie aucune de sortir vraiment du mal-logement.

Les politiques publiques de rééquilibrage, fondées essentiellement sur des vœux pieux législatifs ont dramatiquement échoué faute de moyens correspondant aux ambitions affichées : la loi SRU, comme la loi DALO , comme la récente loi Egalité et Citoyenneté , censées promouvoir , en même temps, une réelle mixité sociale et le droit au logement ont achoppé sur le même obstacle. L'offre de logements vraiment sociaux ne suit pas l'explosion des prix dans le parc privé, et le droit au logement , inscrit dans les textes , est donc bafoué dans le réel.

La mixité sociale fonctionne pour les acteurs économiques d'Ile de France : l'Est parisien et francilien est effectivement aujourd'hui investi par ces entreprises qui font la fierté de l'Arc de l'Innovation. La ville-monde, la ville intelligente , la ville du futur se construit là plus qu'ailleurs. Mais ces territoires sont aussi devenus celui d'un contraste jamais évoqué  : la modernité absolue cotoie la régression sociale absolue.

Ce sont ces territoires qui concentrent le plus de demandeurs de logements sociaux en attente, la plus forte proportion de logements repérés comme insalubres et indécents, le plus grand nombre de personnes vivant dans des logements sur-occupés ou dans des hébergements précaires. Ce sont ces territoires où même le logement social neuf devient souvent inaccessible à ceux à qui il est destiné au départ, car sous couvert de mixité sociale, on y construit beaucoup de PLS , les plus chers des logements sociaux.Surtout ,ce sont ces territoires où l'exigence de respect de notre droit fondamental au logement est vue par les acteurs publics comme une demande surnuméraire, car ils estiment avoir pris plus que leur part de la misère de la ville-monde.

Pourtant nous sommes aussi la condition de sa richesse : en activité ou pas, nous sommes le réservoir de main d'oeuvre de la ville, ceux qui la construisent, la nettoient, font vivre ses travaillent dans ses écoles, dans ses services divers et variés. Nos enfants sont son futur, compromis par le mal-logement qui aggrave les inégalités sociales, crée de l'échec scolaire, des problématiques de santé grave dès le plus jeune âge.

Notre droit bafoué au logement fait de nous des parias, et des indésirables, des Franciliens de septième zone . Nous n'acceptons pas d'être les exclus de la modernité du Grand Paris.


mercredi 6 février 2019

Paris : 100 000ème logement social depuis 2001, vraiment ?

Anne Hidalgo, Ian Brossat et le président de Paris Habitat, Stéphane Dauphin ont récemment fêté le «  100 000ème logement social » depuis 2001. 

Plusieurs dizaines de mal-logés, dont certains en situation d'urgence absolue, expulsables dans quelques semaines , soumis aux représailles de marchands de sommeil dans des taudis dangereux, ont manifesté devant la mairie de l'Adjoint au Logement. L'un des conseillers politiques de Ian Brossat, désormais en campagne pour les élections européennes , est venu nous reprocher notre "méthode",  manifester au lieu d'attendre sagement une réponse aux courriers. Nous lui avons rappelé que Ian Brossat défendait publiquement les manifestations mais aussi d'autres formes d'action bien plus dures  , et même les encourage, lorsqu'elles visent ses adversaires politiques, et que nous n'accepterions donc pas qu'on reproche de simples rassemblement à des mal-logés en urgence sociale.

Nos élus ont, en effet ,  la réjouissance facile face à la situation réelle du logement à Paris : tant qu'ils y étaient, il auraient pu fêter un peu en avance, la 250 000 millième demande de logement social qui attend en vain, puisque les derniers chiffres de 2016 en annoncent 240 000. Soit deux fois plus qu'il y a dix ans. La capitale est aujourd'hui aussi le département d'Ile de France qui comporte le plus de logements insalubres et indécents, plus de 60 000 recensés soit presque la moitié de l'ensemble. Près de 20% des Parisiens vivent dans des logements sur-occuppés. 

Pour tous ces mal-logés, les jeux avec les chiffres sont une souffrance supplémentaire, car elles invisibilisent nos réalités, et laissent penser que nous n'avons pas à nous plaindre, que le maximum est fait en matière de logement social, et que nos problèmes sont donc une fatalité inévitable.

Mais sont-ils vraiment pour nous, ces nouveaux logements sociaux construits depuis 2001 ?

En réalité un tiers d'entre eux ne sont pas des logements, mais des places d'hébergement plus oou moins stables, dans des résidences sociales ou des pensions de famille. Censés être provisoires, ils ne donnent pas de droit à un vrai bail, seulement à un vrai loyer. Bien souvent, l'intimité y est toute relative, la vie privée limitée à une chambre où dormir. Bien souvent, le vrai logement social censé arriver rapidement ne se concrétise jamais.
Pourquoi ? Parce qu'à Paris, 70% des demandeurs relèvent des plafonds de ressources du logement très social. Mais depuis 2001, seuls 26% des nouveaux logements sont du logement très social. Par contre, plus du tiers sont des PLS, aux loyers trop élevés pour les classes populaires. Ils sont construits en masse, alors qu'ils ne répondent qu'à une très faible demande : un demandeur de logement social sur dix est concerné par leurs niveaux de loyers.

Depuis 2001, l'offre de nouveaux logements sociaux n'a donc jamais été adaptée à la demande des Parisiens .

Dans le même temps, l'offre de logements abordables pour les Parisiens modestes se réduisait comme peau de chagrin, notamment dans les quartiers populaires. Aujourd'hui , le seul parc privé accessible est celui des marchands de sommeil, et des générations entières s'entassent dans le parc social ancien , le seul vraiment adapté aux revenus des classes populaires.

C'est ce Paris là , cette misère là, ce droit fondamental non respecté pour des centaines de milliers d'habitants de la capitale qui sont le vrai résultat de la politique municipale en matière de logement. Le bilan d'Anne Hidalgo et de Ian Brossat , c'est celui . Notre adjoint au Logement n'avait donc aucune victoire concrète à fêter en plantant un arbre , les racines du mal-logement sont intactes parce que la volonté de faire du vrai logement social adapté à la demande n'a jamais été au rendez-vous. La Ville de Paris a simplement accompagné la tendance générale : les loyers du logement social dans les grandes métropoles ont explosé depuis une quinzaine d'années. Seul le parc ancien reste massivement ouvert aux faibles revenus. Le nouveau « parc social » permet, lui de repondre aux pourcentages de la loi SRU, pas aux besoins réels.

Les luttes de mal-logés, elles ne cessent pas, même si la direction des grands bailleurs sociaux parisiens , notamment Paris Habitat refuse désormais tout dialogue social avec les concernés, bunkerisée dans des sièges luxueux où il n'y a même plus d'accueil physique individuel des demandeurs de logement.