Anne Hidalgo, Ian Brossat et le
président de Paris Habitat, Stéphane Dauphin ont récemment fêté
le « 100 000ème logement social » depuis 2001.
Plusieurs dizaines de mal-logés, dont certains en situation d'urgence absolue, expulsables dans quelques semaines , soumis aux représailles de marchands de sommeil dans des taudis dangereux, ont manifesté devant la mairie de l'Adjoint au Logement. L'un des conseillers politiques de Ian Brossat, désormais en campagne pour les élections européennes , est venu nous reprocher notre "méthode", manifester au lieu d'attendre sagement une réponse aux courriers. Nous lui avons rappelé que Ian Brossat défendait publiquement les manifestations mais aussi d'autres formes d'action bien plus dures , et même les encourage, lorsqu'elles visent ses adversaires politiques, et que nous n'accepterions donc pas qu'on reproche de simples rassemblement à des mal-logés en urgence sociale.
Nos élus ont, en effet , la réjouissance facile face à la situation réelle du logement à Paris :
tant qu'ils y étaient, il auraient pu fêter un peu en avance, la
250 000 millième demande de logement social qui attend en vain,
puisque les derniers chiffres de 2016 en annoncent 240 000. Soit deux
fois plus qu'il y a dix ans. La capitale est aujourd'hui aussi le
département d'Ile de France qui comporte le plus de logements
insalubres et indécents, plus de 60 000 recensés soit presque la
moitié de l'ensemble. Près de 20% des Parisiens vivent dans des
logements sur-occuppés.
Pour tous ces mal-logés, les jeux avec
les chiffres sont une souffrance supplémentaire, car elles
invisibilisent nos réalités, et laissent penser que nous n'avons
pas à nous plaindre, que le maximum est fait en matière de logement
social, et que nos problèmes sont donc une fatalité inévitable.
#paris18 : les mal logés en colère. #IanBrossat. pic.twitter.com/0pLpfUeqwL
— Mal-logés en Colère (@mallogesencoler) 6 février 2019
Mais sont-ils vraiment pour nous, ces
nouveaux logements sociaux construits depuis 2001 ?
En réalité un tiers d'entre eux ne
sont pas des logements, mais des places d'hébergement plus oou moins
stables, dans des résidences sociales ou des pensions de famille.
Censés être provisoires, ils ne donnent pas de droit à un vrai
bail, seulement à un vrai loyer. Bien souvent, l'intimité y est
toute relative, la vie privée limitée à une chambre où dormir.
Bien souvent, le vrai logement social censé arriver rapidement ne se
concrétise jamais.
Pourquoi ? Parce qu'à Paris, 70%
des demandeurs relèvent des plafonds de ressources du logement très
social. Mais depuis 2001, seuls 26% des nouveaux logements sont du
logement très social. Par contre, plus du tiers sont des PLS, aux
loyers trop élevés pour les classes populaires. Ils sont construits
en masse, alors qu'ils ne répondent qu'à une très faible demande :
un demandeur de logement social sur dix est concerné par leurs
niveaux de loyers.
Depuis
2001, l'offre de nouveaux logements sociaux n'a donc jamais été
adaptée à la demande des Parisiens .
Dans le même temps, l'offre de
logements abordables pour les Parisiens modestes se réduisait comme
peau de chagrin, notamment dans les quartiers populaires. Aujourd'hui
, le seul parc privé accessible est celui des marchands de sommeil,
et des générations entières s'entassent dans le parc social
ancien , le seul vraiment adapté aux revenus des classes
populaires.
C'est ce Paris là , cette misère là,
ce droit fondamental non respecté pour des centaines de milliers
d'habitants de la capitale qui sont le vrai résultat de la politique
municipale en matière de logement. Le bilan d'Anne Hidalgo et de Ian
Brossat , c'est celui . Notre adjoint au Logement n'avait donc aucune
victoire concrète à fêter en plantant un arbre , les racines
du mal-logement sont intactes parce que la volonté de faire du vrai
logement social adapté à la demande n'a jamais été au
rendez-vous. La Ville de Paris a simplement accompagné la tendance
générale : les loyers du logement social dans les grandes
métropoles ont explosé depuis une quinzaine d'années. Seul le parc
ancien reste massivement ouvert aux faibles revenus. Le nouveau
« parc social » permet, lui de repondre aux pourcentages
de la loi SRU, pas aux besoins réels.
Les luttes de mal-logés, elles ne
cessent pas, même si la direction des grands bailleurs sociaux parisiens ,
notamment Paris Habitat refuse désormais tout dialogue social avec
les concernés, bunkerisée dans des sièges luxueux où il n'y a
même plus d'accueil physique individuel des demandeurs de logement.