samedi 30 mars 2019

Paris : une nuit de la solidarité, 365 jours de non-droits sociaux


Aller à Mac Do jusqu'à minuit, puis rentrer malgré les vapeurs insecticides dans un logement infesté de punaises. Avec des enfants en bas âge, souffrant de problèmes respiratoires avérés par des certificats médicaux. C'est la seule chose qu'a pu proposer une travailleuse sociale désarmée face à une mère mal-logée qui subit déjà la sur-occupation et l'insalubrité, hébergée par une personne âgée , elle même , en très mauvaise santé.
La Ville de Paris, en effet, ne prend pas en charge les hébergements nécessaires lors des actions sanitaires contre les punaises. Si les familles n'ont pas d'endroit où se réfugier, alors que dans certains cas 48h d'absence du logement sont conseillées, elles doivent abîmer leur santé.

Ce n'est qu'un exemple de la réalité subie par les mal-logés et les travailleurs sociaux. Le service public départemental et municipal censé faire appliquer leurs droits sociaux est devenu une coquille à moitié vide où des salariés débordés et en souffrance voient défiler des situations terribles sans avoir rien à proposer.

Un usager est à la rue ? Qu'il appelle le SAMU Social qui ne répond pas.
Un problème d'insalubrité ? Qu'il saisisse le Service Technique de l'Habitat qui mettra des mois à répondre, même si c'est urgent. Même s'il y a suspicion de plomb, même avec des certificats médicaux, même avec une demande de logement de longue date.
Les services sociaux parisiens ne peuvent même plus assurer les démarches d'accès au droit : débordés, ils n'ont pas le temps de faire les dossiers DALO de plus en plus complexes. Ils n'ont nulle part où envoyer les victimes des marchands de sommeil.

De fait au fil des années, parce que les services sociaux deviennent des guichets vides de droits, les usagers les désertent, sachant d'avance qu'ils n'y trouveront rien pour répondre à leurs urgences.

Cela n'empêche pas la Ville de communiquer, notamment au travers de sa Nuit de la Solidarité annuelle, sorte de Nuit Blanche spéciale pauvreté et mal-logement. Une nuit par an , avec de belles affiches de communication, les Parisiens sont invités à compter les mal-logés arrivés au dernier degré de droits jamais respectés : la rue. Sans surprise la deuxième Nuit a fini avec l'annonce d'une augmentation du nombre de SDF dans les rues de la capitale. Comme augmente le nombre de demandeurs de logement. Le nombre de victimes de l'insalubrité et des marchands de sommeil. Le nombre de personnes en dettes de loyers et surendettées.

La solidarité, ce n'est pas compter une fois par an , c'est assurer le respect des droits sociaux toute l'année .
La solidarité, ce n'est pas faire appel à des Parisiens bien intentionnés pour des opérations sans lendemain, mais donner aux travailleurs sociaux les moyens de faire leur métier.


vendredi 22 mars 2019

Fin de la trève hivernale: Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la pauvreté interpellé par les mal-logés

Le 12 mars , alors qu'Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la pauvreté, tenait une séance du "Grand Débat", nous avons manifesté jusqu'à ce qu'il sorte nous rencontrer. Auparavant nous avions refusé les propositions de participer " à quelques uns" , à un débat qui n'avait pas lieu d'être: les élus le sont pour appliquer le droit, il n'y a aucun débat à avoir sur le non-respect du droit au logement, juste des actes à prendre. 
 
Dans quelques jours ou quelques semaines, des milliers de personnes vont être expulsées de leur logement. La plupart d'entre elles ont droit à un logement social, ont fait une demande en bonne et dûe forme, l'ont renouvelée, ont monté un dossier DALO dès le début de la procédure d'expulsion.
Mais les procédures d'expulsion vont vite, le relogement n'arrive pas. Même la reconnaissance du DALO met souvent des mois à arriver, et elle arrive souvent trop tard pour bloquer la procédure, la Préfecture refusant de s'occuper des dossiers en attente.

Pourquoi ? Parce que la complexité administrative est liée à l'insuffisance de l'offre. Les derniers chiffres du logement social viennent de tomber, ils sont catastrophiques. La production Hlm en Île-de-France est en chute libre. 28 830 logements locatifs sociaux ont été autorisés en 2018. Un niveau bien inférieur aux chiffres des trois dernières années . Plus de 700 000 demandes sont désormais en attente.

La situation s'aggrave aussi sur le front de l'insalubrité, malgré toutes les déclarations de principe et les quelques offensives contre des marchands de sommeil . Il y a environ 157 000 logements insalubres ou indécents recensés en Ile de France, moins de 1000 procédures coercitives ont été lancées cette années, un chiffre en baisse, lui aussi.
Les victimes locataires sont laissées à elle même : les services sociaux sinistrés ne peuvent même plus proposer d'hébergement alternatif en cas de travaux ou d'opérations dangereuses pour la santé dans les logements. Dans le 19ème arrondissement, on renvoie les familles vers les urgences des hôpitaux et les Mac Do lors d'actions de désinsectisation. Dans le 20ème arrondissement, des propriétaires d'hôtels meublés menacent des personnes y vivant depuis des années d'une expulsion illégale sans que nul n'intervienne.

Le non-recours est le résultat du non-droit. Un non qui n'est jamais dit clairement aux mal-logés, mais exprimé au travers de la complexité des procédures, des mille obstacles administratifs à franchir, des critères d'urgence à prouver sans cesse, pour finalement s'entendre dire qu'on n'est malheureusement pas prioritaire. Le non-recours est le résultat d'un goulot d'étranglement administratif dans lequel, effectivement, on finit par renoncer à essayer de passer , parce qu'il n'y a pas de solution même quand on l'a affronté.

Le mal-logement n'est jamais seul, il charrie son cortège de problèmes de santé, de scolarité, de précarité . La vie des mal-logés consiste à trouver, en même temps, la solution à toutes les urgences immédiates, à se débattre dans les des labyrinthes administratifs surchargés qui bien souvent ne mènent nulle part.

Il n'y a pas de débat sur le non-recours. C'est à l'Etat de faire respecter le droit pour  tous.